Le Cipriani de Venise : luxe intemporel sur la lagune

© Cipriani Venise – Belmond

Le Cipriani de Venise : luxe intemporel sur la lagune

Venise s’efface. Lentement. Depuis la vedette en acajou verni qui glisse au ras du silence, la lagune ne vibre plus que d’un éclat diffus, entre le plomb du ciel et la nacre de l’eau. Là-bas, San Giorgio s’éloigne. Et déjà, la Giudecca émerge. Il n’est pas encore midi, mais tout semble suspendu. À quai, une silhouette attend. Lunettes sombres, costume impeccable, sourire discret. Vous êtes arrivé au Cipriani. Pas un mot. Juste une main tendue, un parfum d’élégance, et une promesse : celle d’entrer dans un autre monde.

Un refuge mythique sur la Giudecca

Fondé en 1958 par Giuseppe Cipriani, déjà célèbre pour son Harry’s Bar — berceau du Bellini et du carpaccio, devenu légendaire dans la Venise des artistes et des diplomates —, l’hôtel fut pensé comme un contrepoint silencieux à l’agitation de la Sérénissime. Ici, on ne traverse pas les ruelles : on traverse le temps. Le Belmond Hotel Cipriani n’est pas un simple palace. C’est un monde à part, un sanctuaire feutré où le raffinement se cultive en secret, où le personnel devance les désirs sans jamais devancer le regard. Tous les grands y ont séjourné. Liz Taylor, Sophia Loren, Mick Jagger, Henry Kissinger, Jane Seymour, George Clooney, et bien d’autres encore. On ne vient pas ici pour se montrer. On vient pour disparaître, en beauté.

L’hôtel a aussi accueilli des scènes de vie diplomatique discrète, des mariages de célébrités, des retraites d’auteurs. Un piano joué doucement la nuit. Un barman muet qui connaît toutes les histoires. Le Cipriani est une scène, mais sans spectateurs.

La main de Peter Marino, l’âme de Cipriani

En 2025, le palace se réinvente sous la direction artistique de Peter Marino. Le célèbre architecte new-yorkais, connu pour son travail pour Chanel ou Dior, signe une transformation subtile. Treize suites redessinées dans les ailes historiques, un lobby agrandi baigné de lumière naturelle, une palette de matières qui oscille entre terrazzo vénitien, laque italienne, marbre clair et détails dorés. Parmi les joyaux : la Serenissima Suite et la Laguna Suite, véritables appartements privés avec vue plongeante sur la lagune et salon de réception.

Le jardin Casanova, quant à lui, conserve son pouvoir d’évocation. On le traverse comme on tournerait les pages d’un roman d’amour ancien. Les fontaines y murmurent, les cyprès dansent à peine. C’est là, dit-on, que Casanova aimait flâner à l’aube. Aujourd’hui encore, quelques tables isolées s’y glissent pour un petit-déjeuner en apesanteur. Parfois, on y entend une voix, un violoncelle discret. Le luxe est là, invisible, impalpable.

Une direction dans la continuité de l’excellence

Depuis décembre 2024, Thomas Schwall occupe la direction générale du Cipriani. Fort d’une longue expérience dans l’hôtellerie de prestige, il incarne la volonté de LVMH Hospitality de faire du Cipriani non pas un musée, mais un lieu vivant, vibrant, capable de faire dialoguer héritage et innovation. Sous sa conduite, le Cipriani se dote de nouveaux codes, mais garde son silence.

© Cipriani Venise – Belmond

Le souffle de deux chefs, une même élégance

À la tête des cuisines, deux sensibilités se répondent. Renato Piccolotto, présent depuis 1983, incarne la tradition. Executive Chef du Cipriani, il veille sur l’ensemble des lieux de restauration — du Cip’s Club en bord de lagune à la table intime du Porticciolo. Sa cuisine puise dans la lagune, les îles voisines, les potagers secrets. Les tagliatelles al prosciutto gratinati, les castraure de Sant’Erasmo, les orecchiette padellate racontent toujours une mémoire du goût.

« J’ai toujours considéré la cuisine du Cipriani comme une transmission d’élégance, enracinée dans l’identité vénitienne. »
Renato Piccolotto, Executive Chef

Depuis 2024, Vania Ghedini dirige quant à lui Oro, le restaurant étoilé du Cipriani. Originaire de Ferrare, formé auprès de Massimo Bottura, il propose une cuisine sensorielle, audacieuse, sans jamais trahir le territoire. Son menu dégustation, inspiré par les brumes de la lagune et les textures du Véneto, explore une Venise intime, renouvelée, réinterprétée.

« Mon ambition est de créer une émotion gustative ancrée dans Venise, mais tournée vers demain. »
Vania Ghedini, Chef du restaurant Oro

Une scène nocturne : le Cip’s Club en clair-obscur

Le soir, la lumière se fait plus basse. Les lanternes posent leurs halos sur le bois chaud du ponton. Au Cip’s Club, les tables sont dressées face à San Marco. Une brise légère soulève les nappes. Le chef Piccolotto, en cuisine, ajuste une cuisson au degré près. Le sommelier, discret, verse un verre de Sassicaia ou de Brunello avec la grâce d’un cérémonial. Les conversations sont feutrées, les gestes comptés. On dîne ici comme on méditerait : lentement, profondément.

© Cipriani Venise – Belmond

Le Dior Bar et les confidences du crépuscule

À l’été 2025, le Cipriani accueille un hôte inattendu : la maison Dior. Un Dior Bar a pris place sur le quai privé, face à la lagune. Cocktails signature, mobilier tressé Bonacina, touches florales de Korakot, verre soufflé de Simone Crestani. Tout ici dialogue avec la grâce. La Dioriviera Boutique attenante propose des pièces exclusives, entre élégance balnéaire et sensualité méditerranéenne.

Une poésie de l’hospitalité

La piscine olympique d’eau salée, chauffée et bordée de cyprès, reste la plus grande de Venise. Le Casanova Wellness Centre, discret et feutré, propose quatre salles de soin, un spa signé Sothys, et une salle de fitness panoramique. Dans les suites du Palazzo Vendramin, les plafonds se reflètent dans le verre de Murano. Le soir, le service baisse les rideaux, dépose un mot calligraphié et des fraises dans une coupelle d’argent. Tout est là.